De la douceur

La douceur se fraye un chemin vers toi.

Tu la sens, tu l’entends, tu lui tournes le dos. Tu as laissé ton corps repousser cet élan, tu t’es blindée de peur de laisser ta douceur en pâtures aux guerriers, aux gueux, aux bourreaux.


Petit perle de satin enfouie au fond de tes entrailles, la douceur roule et se dissimule. Mais son cœur bat. Plus vite. Plus fort.


La coquille qui enserre ton joyau se fissure. L’armée redresse les lances, bande les arcs, enfile les casques. La terre gronde, le sol bouge sous tes pieds.


La force qui monte semble prête à tout dévaster sur son passage.

Les gardes et les vigies se tendent, le regard fou, l’âme inquiète.

Le tremblement s’enroule autour de toi, ton corps et ton cœur font tout pour contenir la vague et sa lame.


Tu ne peux plus rien faire. Tu ne peux pas reculer. Le péril invisible semble se rapprocher. Tu ne sais plus d’où les bruits, les sons, les secousses arrivent.

Tu te plantes de toutes tes forces pour tenir bon, tes muscles se crispent, tes yeux se ferment, pour mieux encaisser les coups.


Puis vient le choc.

T

u sens ton corps au sol. Un silence plein t’entoure. Le calme murmure une douce mélodie. Ca y est, tu te crois parti, passé de l’autre côté, dans les champs verdoyants de la mort. Tu souris. Tu es vaincu.


C’était donc ça, mourir ? Rien que ça ?


Alors tu te décides enfin à ouvrir les yeux, pour découvrir ta nouvelle terre, ton éternelle demeure. Mais rien n’a changé. Tu retrouves le même paysage, d’avant la tempête. Les objets sont identiques, les couleurs, la lumière.

Tu te redresses lentement.

Tu remarques que ton corps est plus souple, que ton pas est plus léger.

Tu scrutes l’horizon. Tout se ressemble, et tout est différent.

Les lances jonchent le sol, déjà recouvertes par les plantes et les fleurs qui ont retrouvé leur royaume.


Sur ta peau, un tissu soyeux a remplacé tes vieux vêtements cadenassés par la peur. Un ruban vole au vent, et caresse tes cheveux.

L’air vient gonfler ton cœur et tes poumons s’emplissent de cette énergie nouvelle que tu t’autorises à recevoir.

Sous tes pieds, des étoiles parsèment le chemin à chacun de tes pas.


A ton cou, une perle de satin suspendue à une chaîne dorée, brille de mille feux. La douceur a été plus forte.